L’intelligence artificielle pour analyser le bien-être des chevaux montés
La technologie peut-elle contribuer à améliorer le bien-être des chevaux montés ? C’est ce que suggèrent les travaux de chercheuses françaises, qui ont récemment démontré que l’intelligence artificielle était capable d’analyser des situations d’(in)confort sur base de photos et avec une précision d’environ 90%. De quoi ouvrir la porte au développement de nouveaux outils pour évaluer le bien-être ?

Le bien-être équin est une préoccupation de plus en plus importante pour bon nombre de cavaliers et amateurs de chevaux, d’où le développement d’outils pour mieux évaluer celui-ci. Il existe notamment déjà des guides pour détecter l’inconfort au repos, mais il est souvent plus difficile d’objectiver ce qui concerne les comportements montés. On sait bien sûr que le fouaillement de la queue, les grincements de dents et certaines crispations faciales indiquent généralement un mal-être, toutefois certains signes plus subtils peuvent nécessiter un œil expert et un certain temps d’observation. Si l’on ajoute à cela l’inévitable subjectivité humaine, on s’aperçoit qu’il n’est pas si facile d’analyser des chevaux montés à grande échelle, notamment sur les terrains et paddocks de concours par exemple.
Ces différentes limites ont poussé des chercheuses françaises (Romane Phelipon, Léa Lansade et Misbah Razzaq) à se pencher sur l’intérêt et les capacités de l’intelligence artificielle pour évaluer le bien-être des équidés sous la selle. L’étude a été financée par la Fédération Française d’Equitation (FFE) via le Fonds Equiaction et a été réalisée en partenariat avec l’IFCE. L’hypothèse des scientifiques était notamment qu’un « système automatisé d’apprentissage profond qui détecte des zones d’intérêt, telles que les expressions faciales et la posture, contribuerait considérablement à la promotion du bien-être animal ».

La recherche s’est basée sur l’analyse de plus de 1000 images de chevaux confortables et inconfortables collectées via différentes sources (banques d’images, collections privées) et sans contraindre volontairement des équidés pour les fins de l’étude. On retrouvait dans ces photos plusieurs races de chevaux et poneys montés dans différentes disciplines (loisir, randonnée, course, jumping, complet, dressage,…).
Les chercheuses ont dans un premier temps entraîné l’intelligence artificielle à reconnaître les émotions du cheval sur base du corps entier ou de la tête avec des photos recadrées ou non. Elles se sont basées pour cela sur un répertoire comportemental spécifique du cheval monté par un cavalier, établissant par exemple que les oreilles dressées vers l’avant représentent une caractéristique confortable – à l’inverse des oreilles positionnées vers l’arrière. D’autres éléments ont aussi été pris en compte, comme la tension et l’expression des yeux, l’ouverture de la bouche, la position de la tête devant ou derrière la verticale, ainsi que le comportement de la queue. Les scientifiques ont établi que pour entrer dans la catégorie « confortable », les chevaux devaient exprimer les 5 caractéristiques établies comme telles, alors que pour rentrer dans la catégorie inconfortable seules 2 caractéristiques inconfortables étaient nécessaires (par exemple une bouche ouverte et une queue qui fouaille).

Des zones d’intérêt supplémentaires pour détecter l’inconfort
Une fois entrainée, l’intelligence artificielle a réussi à reconnaître les situations de confort ou d’inconfort avec une précision de près de 90%, et il est apparu que les photos recadrées montrant uniquement la tête du cheval donnaient les meilleurs résultats. Les scientifiques signalent toutefois que le modèle a sous-estimé l’hyperflexion en classant comme confortables certains chevaux ayant le chanfrein légèrement en arrière de la verticale. Il y a donc un potentiel d’amélioration à ce niveau, mais d’un autre côté l’intelligence artificielle a aussi pris en compte d’autres caractéristiques non prévues au départ. « Plus précisément, les zones autour des mains et des rênes du cavalier sont apparues comme des zones d’intérêt pour prédire l’inconfort », écrivent les scientifiques. « Ce résultat était prévisible, car les actions des mains du cavalier influencent l’état du cheval, en particulier l’état de la bouche, une caractéristique clé pour l’annotation des états émotionnels des chevaux. » Le modèle a ainsi suggéré de lui-même de nouveaux facteurs potentiellement pertinents, comme dans ce cas l’influence du cavalier.
D’autres études mêlant intelligence artificielle et chevaux ont déjà été réalisées, mais celle-ci est la première à confirmer que l’IA peut être utilisée pour évaluer le bien-être des équidés montés. Ce travail présente quelques limites en raison entre autres des photos statiques et du nombre assez restreint d’images, c’est pourquoi les chercheuses française souhaitent à l’avenir peaufiner leur recherche en utilisant des vidéos et en développant une interface conviviale qui pourrait être utilisée par des experts au quotidien. L’objectif n’est pas de remplacer l’humain, mais de créer par exemple un outil qui « permettrait d’éviter l’interprétation manuelle des émotions des chevaux, rendant le processus plus efficace et accessible ». On pourrait par exemple envisager qu’un tel dispositif serve sur les terrains de concours ou les courses, et qu’à l’avenir il devienne pourquoi pas un élément pris en compte dans le calcul des performances et résultats ?
Retrouvez ici l’ensemble de l’étude réalisée par Romane Phelipon, Léa Lansade et Misbah Razzaq.