Equitation sans mors : quelle ennasure choisir ?

De plus en plus de cavaliers s’intéressent à l’équitation sans mors, que ce soit par conviction, par nécessité ou simplement par souhait d’essayer autre chose. On trouve désormais en alternative aux embouchures une série d’ennasures qui offrent un vaste choix, mais dont l’usage ou la sévérité peuvent être très variables. Géraldine Vandevenne, spécialiste en adaptation de l’harnachement, nous explique les particularités de chaque ennasure et nous livre de précieux conseils pour en faire une bonne utilisation.

équitation sans mors
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L’équitation sans mors séduit de plus en plus de cavaliers en quête de davantage de liberté ou de bien-être pour leur cheval. Pourtant, remplacer un mors par une ennasure – c’est-à-dire un système qui agit sur le nez/chanfrein et la nuque plutôt que la bouche du cheval – n’est pas une garantie de supprimer tout risque de douleur ! « On pense parfois que faire monter sans mors des débutants ou des personnes qui ont une mauvaise main est moins inconfortable pour les chevaux, or un licol en corde est tout aussi sévère qu’une bride », souligne Géraldine Vandenne, spécialiste en adaptation de l’harnachement.

« Si le cheval est en bonne santé, que le matériel est bien adapté et que le cavalier sait s’en servir, alors cela ne change rien de monter avec ou sans mors. »

Les ennasures peuvent toutefois sembler plus agréables pour certains chevaux car elles ont la faculté de masquer divers soucis : « Je dis toujours que le mors met les points sur les « i », c’est-à-dire que si le cheval a un problème physique quelque part, on va beaucoup plus le ressentir car l’embouchure crée des points d’appui sur la langue et active toute la chaine biomécanique. Le même phénomène se produit aussi avec les ennasures mais les points de pression sur la tête sont moins précis qu’avec le mors et, de ce fait, les problèmes sont un peu masqués. Mais si le cheval est en bonne santé, que le matériel est bien adapté et que le cavalier sait s’en servir, alors cela ne change rien de monter avec ou sans mors. »

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Comme on peut le voir ici avec Julien Epaillard, le hackamore fait partie des ennasures autorisées en compétition dans certaines disciplines. (© FEI)

A moins d’un problème médical qui empêche (temporairement) de mettre un mors dans la bouche, choisir une ennasure plutôt qu’une embouchure est donc davantage une question de préférence personnelle qu’une garantie de bien-être pour le cheval. Il est d’ailleurs tout à fait possible d’alterner les deux en fonction de sa pratique. « Certains cavaliers partent en promenade en ennasure pour être relax et utilisent le mors en piste pour plus de finesse par exemple, alors que d’autres préfèrent travailler sans mors à la maison mais partent en promenade avec une embouchure pour plus de sécurité », illustre Géraldine Vandevenne. « Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise pratique, par contre il est important de choisir un outil qui apporte suffisamment de contrôle du cheval et donc de sécurité pour lui, le cavalier et les autres. »

A chaque ennasure ses particularités

En alternative aux mors, il existe aujourd’hui une belle variété d’ennasures permettant de s’adapter à ses besoins et ses préférences. Voici les principales :

  • La cordelette : constituée d’une simple corde passée autour de l’encolure du cheval, elle n’est pas à proprement parler une ennasure mais elle fait partie des solutions permettant de monter sans mors. Elle est aussi le dispositif le plus léger et le plus simple même si elle crée malgré tout des points de pression. La cordelette permet de se concentrer sur ses sensations et peut donner un véritable sentiment de liberté voire de fusion avec son cheval, mais comme le souligne Géraldine Vandevenne elle n’est pas du tout adaptée à tout le monde : « Monter en cordelette ne s’improvise pas – il faut une transition – et tous les cavaliers n’en sont pas capables. Cela demande par exemple un certain travail de posturologie pour fonctionner avec son corps et très peu avec ses mains. » La cordelette peut par ailleurs ne pas convenir à des chevaux déjà difficiles à canaliser avec une embouchure ou une ennasure plus forte. « Il faut penser à sa sécurité avant tout, et ne pas oublier que monter en cordelette demande une bonne éducation et une bonne relation avec son cheval », précise la spécialiste en adaptation de l’harnachement.
  • Le side-pull : il est très semblable à un bridon classique, à l’exception près que les rênes sont fixées directement sur la muserolle et l’action se fait donc à ce niveau plutôt que sur un mors. Il existe d’ailleurs des équipements hybrides bridon/side-pull qui permettent par exemple de monter avec une paire de rênes attachée au mors et une autre liée à la muserolle de sorte à effectuer une transition progressive vers le sans mors. Le side-pull à lui seul est généralement typé très doux si la muserolle est rembourrée, par contre il peut s’avérer sévère si celle-ci est par exemple fine et crantée.
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L’équitation en cordelette se n’improvise pas et n’est pas adaptée à tous les cavaliers et chevaux. (© Pixabay)
  • Le bitless ou système du Dr Cook : tous deux prennent la forme d’un bridon classique, mais dont les rênes sont attachées à des anneaux ancrés à lanières qui se croisent. Dans le cas du système du Dr Cook, le croisement s’effectue au niveau de la muserolle alors que pour le bitless, il a lieu sous les ganaches. « C’est un dispositif plus stable, mais qui peut un peu  « museler » le cheval s’il reste fermé et ne coulisse pas, donc il faut faire le bon choix. L’action est aussi indirecte et inversée puisque les rênes sont croisées sous les ganaches du cheval, cela demande donc des aides différentes et un peu d’adaptation de la part du cavalier et du cheval. »
  • L’hackamore : il se compose d’une muserolle avec des branches plus ou moins longues auxquelles sont attachées les rênes. L’hackamore se décline dans de très nombreuses versions plus ou moins sévères : ses branches peuvent par exemple être remplacées par des « roues de la fortune » (anneaux) ou des systèmes en forme de note de musique qui ont des effets de levier moins importants et sont donc plus doux. La muserolle joue aussi un rôle dans la dureté de l’outil, en fonction qu’elle soit paddée ou non, garnie ou pas d’une gourmette, etc. « L’utilisation est très différente d’un mors ou même de certaines ennasures, car il n’y aura pas moyen de faire des rênes d’ouverture », ajoute Géraldine Vandevenne.
  • Le licol en corde : aussi appelé à tort licol éthologique, il est fabriqué à partir d’une corde plus ou moins épaisse et possède différents nœuds. « A la base, c’est un outil qui sert pour le travail à pied et qui ne doit absolument pas être utilisé pour attacher le cheval, car contrairement au licol classique, il ne cède pas en cas d’incident et peut blesser sévèrement le cheval », précise la spécialiste en adaptation de l’harnachement. Géraldine Vandevenne souligne aussi que le licol en corde est bien plus sévère qu’on le croit souvent : « Les petits nœuds doivent normalement être placés à hauteur des foramens infra-orbitaires (ndlr : ouvertures du crane dans lesquelles passent notamment des nerfs et vaisseaux sanguins) qu’on essaye habituellement d’éviter avec la muserolle. Effectuer un coup sec sur le licol au niveau des foramens équivaut ainsi à la douleur de se cogner le coude contre une porte. »
    Etant donné sa puissance, le licol en corde n’est pas un outil à employer de manière inappropriée et il doit s’utiliser avec des rênes longues et non pas tendues. Par rapport à d’autres ennasures, il présente toutefois l’avantage d’augmenter un peu le contrôle.
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Le licol en corde est à manier avec savoir et délicatesse étant donné sa puissance.
  • Le likorne : peu répandu et connu, il est assez proche du side-pull et possède des rênes attachées à un système de sous-barbe coulissante. Le likorne se distingue par un frontal en V prolongé par des cordes reliées à la muserolle, ce qui permet de répartir les pressions sur l’ensemble de la tête du cheval.
  • Le bosal : surtout répandu en monte américaine, on l’assimile à un hackamore naturel. Son principe repose en effet sur une muserolle rigide prolongée par des montants qui se rejoignent sous le nez du cheval et autour desquels viennent s’enrouler les rênes (en corde). C’est un outil très sévère et donc délicat à utiliser, qui doit par ailleurs idéalement être réalisé sur mesure.

Réussir sa transition vers l’équitation sans mors

Ces quelques indications permettent d’orienter le choix en fonction de son cheval, sa discipline ou encore son niveau équestre, mais au final rien ne vaut un test sur le terrain pour déterminer quelle ennasure convient le mieux au couple cavalier/cheval. « Parfois la transition peut directement bien se passer, mais si ce n’est pas le cas il ne faut pas d’emblée se fermer et se dire que ça ne fonctionne pas pour soi ou son cheval », précise Géraldine Vandevenne. « Souvent, les essais infructueux sont simplement dus à un matériel mal adapté ou mal utilisé, donc pour trouver le bon équipement, il ne faut pas hésiter à en essayer plusieurs et à se faire conseiller par un entraineur ou un bitfitter. »

Bref, sans mors ne veut pas systématiquement dire sans douleur ou inconfort.

L’adaptation du matériel est en effet tout aussi importante avec que sans mors. Une ennasure inadéquate pourra non seulement être instable, mais aussi entrainer des conséquences comme l’apparition de poils blancs ou de suros au niveau du chanfrein, le développement de troubles neurologiques, des formes de headshaking, des signes de défenses, des tensions ou crispations au niveau des cervicales,… Bref, sans mors ne veut pas systématiquement dire sans douleur ou inconfort. Comme pour les embouchures, l’adaptation et l’utilisation sont aussi importantes que l’équipement choisi si l’on veut garantir le bien-être du cheval.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !