Camille Thual : « Accorder autant d’importance au mental qu’à la technique »
En plus d’être prof d’équitation, Camille Thual accompagne aussi les cavaliers en tant que coach mental. Ce travail parallèle est encore peu pratiqué dans le monde équestre mais selon elle il gagne à être connu, et pas seulement par les cavaliers de concours ! Dans cette interview, la jeune coach et cavalière revient sur son parcours, ses expériences personnelles avec le coaching mental et surtout ce que ce dernier peut apporter à chaque cavalier :
Pour commencer, pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours équestre ?
Je suis cavalière depuis que j’ai 7 ans, j’ai tout de suite atterri dans une écurie qui faisait du concours complet et j’ai suivi le mouvement. J’ai commencé le haut niveau vers 14-15 ans en épreuves poneys internationales, puis après j’ai continué à cheval. A la fin de mes études secondaires, la seule chose que je savais vraiment que j’aimais, c’était les chevaux et monter à cheval. Ayant animé quelques stages l’été comme job étudiant et ayant adoré partager ma passion, je me suis dirigée vers un cursus en Angleterre axé sur les sciences et le coaching. Malheureusement c’était l’année du Covid donc j’ai dû rentrer en Belgique puis avec le Brexit je n’ai pas pu vraiment retourner en Angleterre. Par chance, lorsque j’étais là-bas j’ai eu une semaine d’échange avec des élèves de Saumur et ils m’ont proposé d’intégrer leur formation pour obtenir mon BPJEPS au Cadre Noir de Saumur. Je suis donc partie en France et j’ai eu mon diplôme d’enseignante équestre là-bas, ensuite je suis revenue en Belgique.
A quel moment avez-vous décidé de devenir également coach mental et pourquoi ?
Quand j’étais à Saumur, j’adorais enseigner mais je sentais qu’il manquait comme une pièce à mon puzzle. Je me suis donc demandée ce qui, en tant que cavalière, me permettait de me sentir bien avec le coaching que je reçois, et je suis vite parvenue à la conclusion que c’était la préparation mentale que je faisais à côté. Je fais en effet du coaching mental depuis que j’ai commencé les internationaux, parce qu’à l’époque j’allais sur des épreuves un peu plus grosses que les autres et j’étais la cible de jalousies. J’ai commencé à travailler avec Marina Schelfhaut et je n’ai jamais arrêté ce suivi parce qu’au fur et à mesure j’ai découvert que le coaching mental pouvait m’apporter bien plus que résoudre de petits problèmes d’adolescente.
Après ma formation à Saumur, j’ai donc décidé d’entamer des études de coaching mental pour pouvoir apporter cela en plus à mes cavaliers. J’ai suivi un cursus de 2 ans ici en Belgique et depuis lors je donne aussi bien des cours techniques à cheval que des séances de coaching mental pour les cavaliers.
« Le coaching mental ne s’adresse pas uniquement aux cavaliers ou personnes qui ont des problèmes. Ça peut être quelque chose en plus pour ceux qui performent déjà très bien mais qui veulent juste s’améliorer ou être sûrs d’être réguliers.»
Pour ceux qui en ont peu ou pas entendu parler, en quoi consiste vraiment le coaching mental pour les cavaliers ?
J’aime bien dire que le coaching mental est un accompagnement, que ce soit sur le terrain ou en entretien en salle. Alors que le coach équestre travaille sur tout ce qui est technique du cheval et du cavalier, le coach mental va plutôt se centrer sur le bien-être mental du cavalier. Globalement, le coaching mental aide les cavaliers à se préparer mentalement à une compétition, une leçon ou autre. Ca aide aussi à rester concentrer, à savoir identifier et gérer ses émotions, surmonter des obstacles au niveau mental.
L’accompagnement est personnalisé en fonction des cavaliers, des problèmes et bien sûr du cheval. Souvent soit le cheval est notre reflet, soit nous sommes le reflet du cheval, en tout cas nos problèmes d’émotions se retrouvent souvent chez nos montures. Parmi les outils qu’on utilise en coaching mental il y a la respiration (exemples d’exercices ici), la visualisation, les affirmations positives (des petites phrases boost pour éliminer les pensées négatives),… Les possibilités sont nombreuses et en fonction des problèmes on va pouvoir déterminer une routine, fixer des objectifs. C’est important de noter que le coaching mental ne s’adresse pas uniquement aux cavaliers ou personnes qui ont des problèmes. Ça peut être quelque chose en plus pour ceux qui performent déjà très bien mais qui veulent juste s’améliorer ou être sûrs d’être réguliers.
Justement, en tant que cavalière, qu’est-ce que le coaching mental vous a apporté ?
Travailler sur moi-même et sur mon mental m’a apporté et m’apporte encore beaucoup de confiance en moi. Depuis que j’ai commencé le coaching mental je me sens mieux avec moi-même, j’ai moins d’angoisses, moins de stress, en tout cas j’arrive à mieux gérer mes émotions – y compris dans la vie de tous les jours.
Comme je fais beaucoup de concours, le coaching mental m’a aussi permis de me sentir plus prête car je sais que j’ai travaillé sur la technique, le physique ( je fais beaucoup de sport à côté) et le mental. Je suis mieux organisée, j’ai maintenant une vraie routine de concours qui me permet de rester concentrée et de gérer tout ce qui est stress ou même excitation.
« Il s’agit de transformer ses rêves en objectifs atteignables»
Enfin, le coaching mental m’a surtout permis de comprendre que quand on veut que quelque chose change, il faut vraiment passer à l’action. C’est déjà très bien de savoir qu’on veut changer ou améliorer quelque chose, mais c’est vraiment le fait de réaliser cette première étape souvent difficile qui fait bouger les choses et va engendrer le changement. Évidemment ce n’est pas facile car on est obligé de sortir de sa zone de confort mais c’est à partir de ce moment qu’on évolue vraiment, qu’on apprend le plus et qu’il y a un réel changement. En bref, il s’agit de transformer ses rêves en objectifs atteignables.
Est-ce que le coaching mental vous aide aussi dans vos activités d’enseignante d’équitation ?
Oui ! Depuis que je me suis formée pour devenir coach mentale, je ne donne plus du tout cours comme avant. J’arrive beaucoup plus vite à détecter les signes en lien avec les émotions comme le stress, la peur ou les angoisses que mes cavaliers peuvent avoir. Donc on en parle et en fonction de leur ressenti on travaille autour. Je prends vraiment en considération les émotions et le mental du cavalier, et pas que la technique.
On a souvent tendance à associer la préparation mentale à la compétition, mais est-ce aussi intéressant pour les cavaliers plus axés vers le loisir ?
Oui car tous les cavaliers, même ceux qui ne vont pas au concours, peuvent développer des peurs à cheval ou même à la main. De ce que j’ai observé sur moi-même et mes élèves, le coaching mental permet aussi de renforcer le lien avec le cheval parce que quand il sent que son cavalier a confiance en lui, est calme, sait gérer son stress et sait dans quelle direction aller, le cheval a entière confiance et se sent évidemment beaucoup mieux aussi.
En tant que cavaliers on travaille très souvent le côté technique en selle, le bien-être du cheval mais on oublie de travailler notre bien-être et donc notre mental. Pour moi c’est utile d’accorder autant de temps et d’importance au mental qu’à la technique car ça va impacter aussi positivement le cheval. C’est ça qui est beau avec notre sport : on ne le fait pas que pour nous, on le fait pour ce lien, ce partenariat.
Justement, est-ce que les mentalités s’ouvrent progressivement au coaching mental dans le monde équestre ?
Ca commence. Mon but en ce moment est de montrer ce qu’est le coaching mental, parce que beaucoup de gens ne savent pas. La première étape est donc d’en parler, de montrer que ça existe, que ça aide. J’observe de plus en plus que quand les gens entendent parler du coaching mental, ils ont envie de découvrir puis apprécient. Ça les challenge mais, d’un autre côté, si on est assez assidu on voit des résultats assez rapidement. Les gens commencent petit à petit à se dire que le mental joue un rôle énorme dans notre vie et que quand on travaille dessus on est beaucoup plus apaisé. Et puis quand le cavalier travaille sur lui-même, il travaille son cheval en même temps.
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