Eviter les ulcères : les bonnes pratiques à adopter

Les ulcères et douleurs gastriques sont malheureusement très répandus chez les chevaux, et cela impacte négativement leur bien-être comme leurs performances. On peut heureusement prévenir ces maladies grâce à quelques bonnes pratiques en matière d’alimentation, mais aussi d’environnement et de travail car les problèmes gastriques sont généralement déclenchés par plusieurs facteurs. Explications avec Kathleen Lebrun, diplômée en médecine vétérinaire et nutritionniste équin :

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© Pixabay

Les ulcères gastriques sont parfois négligés car ils ne sont pas directement visibles, or c’est un syndrome très répandu chez le cheval. Plusieurs études estiment en effet que 50 à 90% des équidés souffriraient de ces plaies plus ou moins profondes et étendues qui touchent la muqueuse de l’estomac. Comme l’explique Kathleen Lebrun, diplômée en médecine vétérinaire et nutritionniste équin chez Alternanutrivet, les chevaux sont particulièrement sensibles aux ulcères en raison de leur fonctionnement physiologique : « Contrairement à celui de l’humain, l’estomac du cheval produit en continu de l’acide chlorhydrique pour initier le processus de digestion. C’est lié au fait qu’à l’état sauvage, les équidés s’alimentent presque en permanence. Hélas, cet acide chlorhydrique rend aussi les chevaux plus vulnérables aux problèmes d’acidité dans l’estomac et donc aux troubles gastriques. »

Les ulcères, dont il existe plusieurs formes et degrés, constituent des atteintes déjà avancées, mais les chevaux peuvent aussi souffrir de divers inconforts, sensibilités ou douleurs plus ou moins forts au niveau de l’estomac. En général, ces différents troubles gastriques présentent des symptômes communs dont voici les principaux :

  • Une perte de performances.
  • Une perte d’état général, un cheval qui maigrit.
  • Un appétit capricieux et fluctuant.  
  • Des troubles du comportement : par exemple un cheval qui devient soudainement grincheux, ou souvent qui essaye de mordre au moment du sanglage et/ou du montoir.
  • D’éventuelles récalcitrances au travail, des oreilles couchées en arrière, des signes d’inconfort.
  • Des bâillements répétitifs, qui surviennent soudainement et dans des circonstances inhabituelles (c’est-à-dire hors de périodes de repos ou de détente par exemple).
  • Une éventuelle anémie lors des cas plus extrêmes d’ulcères.
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Les ulcères et troubles gastriques peuvent notamment se manifester par une perte d’état et/ou de performance, des troubles du comportement, des récalcitrances au travail,… (© Pixabay)

Des causes multifactorielles

Pour confirmer si un équidé présentant ce genre de symptômes souffre d’ulcères, l’examen de choix est la gastroscopie. Cette dernière permet en effet de déterminer la localisation et la gravité des atteintes, et par conséquent d’adapter le traitement (médicamenteux) à suivre. Hélas, la gastroscopie est un examen coûteux (quelques centaines d’euros) et lourd car il nécessite une sédation du cheval, et les médicaments permettent de soigner les ulcères mais pas nécessairement d’empêcher leur récidive. C’est pourquoi il est très important de s’attaquer aussi aux causes des troubles gastriques, tant pour les prévenir que pour éviter qu’ils s’installent dans la durée. « Les ulcères et douleurs à l’estomac ont généralement des origines multifactorielles, donc c’est une situation qu’il faut considérer dans son ensemble en essayant de résoudre un maximum de facteurs problématiques », souligne Kathleen Lebrun.

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La gastroscopie permet de confirmer et localiser la présence d’ulcères. (© Christophe Bortels)

Il a été établi par diverses études que les ulcères et troubles gastriques étaient principalement liés à trois domaines : l’alimentation, l’environnement et le travail. Ce sont donc ces trois points que nous allons détailler, tout en précisant comment ils peuvent également jouer un rôle dans la prévention.

L’alimentation

Comme l’explique Kathleen Lebrun, les grains constituent les aliments qui favorisent le plus l’apparition de problèmes gastriques : « Les mélanges contiennent généralement des céréales riches en amidon, et dont le processus naturel de dégradation acidifie l’estomac. C’est particulièrement problématique chez les chevaux qui travaillent beaucoup et sont complémentés avec une certaine quantité de grains pour répondre à leurs besoins énergétiques. »

Une solution est d’opter pour des mélanges de grains sans céréales, comme il en existe plusieurs sur le marché. Ces produits peuvent toutefois s’avérer trop peu énergétiques pour les chevaux de sport, auquel cas on peut aussi se tourner vers des grains « spécial ulcères » qui contiennent généralement une dose moins élevée de céréales ainsi que de l’argile blanche. « En cas de suspicion de douleurs ou d’inconfort gastrique, donner de l’argile blanche en poudre ou diluée dans l’eau permet de faire baisser l’acidité de l’estomac », explique la nutritionniste équin. « Le gel d’aloé vera à boire est aussi bénéfique, mais il ne faut pas le donner au même moment que l’argile au risque d’éventuellement encourager la formation d’une pâte dure dans le tube digestif.»

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Le fourrage doit être fourni en quantité : idéalement 1,8kg par 100 kg de poids vif. (© Pixabay)

Pour éviter l’apparition d’ulcères, Kathleen Lebrun recommande aussi de porter une attention toute particulière à l’apport de fibres et donc au foin. Fournir du fourrage en quantité (idéalement 1,8kg/jour/100 kg de poids vif selon les recommandations wallonnes) contribue en effet à équilibrer l’acide chlorhydrique dans l’estomac et favorise la salivation, qui a elle aussi un effet protecteur par rapport à l’acidité. « Il est donc recommandé de toujours distribuer le foin avant les grains, car sa digestion permet de protéger un peu l’estomac de l’acidité des céréales », souligne Kathleen Lebrun. « Il faut par contre éviter le préfané pour les chevaux sujets aux ulcères car il est plus acide. »

Le foin permet d’allonger les périodes d’alimentation du cheval grâce à son ingestion lente, mais en plus il offre un effet protecteur par rapport à l’acidité de l’estomac

Une autre erreur à éviter est de laisser les chevaux trop longtemps à jeun, car les périodes sans nourriture favorisent l’augmentation de l’acidité dans l’estomac. Les repas doivent donc être morcelés et si possible distribués au maximum toutes les 4 heures. Il n’est évidemment pas possible de respecter ces délais durant la nuit, mais l’on peut limiter la période nocturne de jeûne en distribuant davantage de foin le soir. On peut aussi faire en sorte d’occuper le cheval plus longtemps sans augmenter la quantité de fourrage, en utilisant par exemple un filet à foin à fines mailles qui ralentira l’ingestion.

En résumé, le foin est l’aliment à privilégier pour prévenir les ulcères et troubles gastriques. Non seulement il permet d’allonger les périodes d’alimentation du cheval grâce à son ingestion lente, mais en plus il offre un effet protecteur par rapport à l’acidité de l’estomac.

Le travail

Cela a été prouvé par diverses études : plus le travail du cheval est intense, plus le risque d’ulcères est élevé. Les chevaux de course sont par exemple les plus sujets à ces atteintes, suivis par ceux de sport et de loisirs. On trouve néanmoins des chevaux atteints par les ulcères dans toutes les catégories, puisque le travail n’est pas le seul facteur déterminant.

Le lien entre travail et troubles gastriques s’explique entre autres par le fait que les chevaux ayant une activité intense sont généralement nourris avec davantage de grains, mais sont également plus soumis au stress – qui est un facteur favorisant la production d’acide dans l’estomac.

Après les chevaux de course, les chevaux de sport sont les plus touchés par les ulcères. (© FEI)

Il n’existe cependant pas de solution toute faite pour éviter que le travail du cheval favorise les ulcères : « Les adaptations à réaliser sont très variables d’un cas à l’autre », explique Kathleen Lebrun. « Il faut en tout cas se poser des questions sur le rythme et l’intensité de travail du cheval, sans oublier le facteur cavalier. » Un cavalier en permanence stressé ou nerveux communique en effet ce mal-être au cheval et peut donc accroitre les risques de problèmes gastriques. Enfin, si l’on peut difficilement réduire l’activité physique de certains chevaux – notamment de compétition -, on peut par exemple faire en sorte de rendre l’entrainement moins stressant et plus progressif en étant attentif aux conditions de travail, à la détente en début de séance, etc.

L’environnement

Comme le travail, l’environnement de vie peut être facteur de stress et donc favoriser l’apparition d’ulcères. « On a par exemple remarqué que les troubles gastriques étaient plus fréquents chez les chevaux vivant dans des milieux où la compétition alimentaire est présente », illustre Kathleen Lebrun. « Cela se produit notamment lorsque des troupeaux vivant au pré n’ont pas suffisamment de nourriture ou pas assez de points d’accès aux aliments. Souvent, les équidés qui se trouvent au bas de la hiérarchie sont les plus impactés. »

« Les sorties régulières en liberté au pré ou au paddock font partie des habitudes assez simples à mettre en place pour réduire les risques de troubles gastriques »

Mis à part ce phénomène de compétition alimentaire, on constate cependant que les chevaux vivant au pré sont beaucoup moins sujets aux ulcères que ceux vivant au boxe. Un phénomène qui peut s’expliquer par des périodes de jeûne souvent plus courtes, et davantage de mouvements. « Les sorties régulières en liberté au pré ou au paddock font partie des habitudes assez simples à mettre en place pour réduire les risques de troubles gastriques », confirme la nutritionniste. « De manière globale, on cherchera aussi à faire en sorte que le milieu de vie apporte le moins de stress possible au cheval. Dans certains cas, le simple fait de changer de boxe au sein d’une même écurie peut déjà aider. On peut également travailler si besoin avec des mélanges de plantes qui apaisent le cheval sans le rendre trop mou au travail. »

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Les ulcères sont plus fréquents chez les chevaux hébergés en boxe par rapport à ceux vivant au pré. (© Pixabay)

Il faut souvent plusieurs semaines pour que des changements d’alimentation, de travail et d’environnement agissent sur les troubles gastriques. Si aucune amélioration n’est palpable après 1 mois et demi ou 2 mois, il y a toutefois des chances que les adaptations ne suffisent pas. Dans ce cas, il est souvent utile de chercher d’autres solutions et/ou de faire appel à un vétérinaire pour obtenir un avis médical, voire réaliser un examen comme une gastroscopie afin de cibler la localisation et l’étendue d’éventuels ulcères.

Comme vous l’aurez compris, la prévention contre les troubles gastriques est avant tout une question de bon sens et de respect des besoins fondamentaux du cheval. Le mouvement, l’alimentation régulière et à base d’herbe/foin ou encore l’exposition limitée au stress ne sont par ailleurs pas seulement utiles pour la bonne santé de l’estomac, mais aussi plus largement pour le bien-être des chevaux. En agissant sur ces éléments, les bénéfices seront donc bien plus larges !

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !