Le reculer, un exercice clé pour le respect et la confiance

Le reculer est souvent réduit à un exercice parmi d’autres lors du travail monté. Or, pour ceux qui cherchent à établir une connexion forte avec leur cheval, il est un excellent moyen de cerner le caractère de son cheval et une base indispensable pour développer la confiance et le respect. Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle, nous donne ses conseils pour apprendre et maitriser le reculer à pied comme en selle.

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© Christophe Bortels

Que ce soit pour préparer la mise au pré, les sorties en promenade ou de nombreux autres exercices ou situations, Pierre Dechamps cite souvent le reculer comme l’un des prérequis à maitriser. De son propre aveu, il est d’ailleurs rare qu’il effectue une séance à pied ou montée sans demander une seule fois au cheval de reculer. Si le spécialiste en équitation naturelle accorde tant d’importance à ce mouvement, ce n’est pas un hasard : « Le reculer est la base de la confiance et du respect », souligne-t-il. « C’est un jeu de position dans lequel le cheval comme le cavalier expriment qui ils sont. Je dis d’ailleurs souvent que si l’on veut connaître le caractère d’un cheval avant de l’acheter par exemple, il suffit de le faire reculer et de voir comment il réagit. »

Le reculer est notamment important car il permet d’obtenir le contrôle des postérieurs et la maitrise globale du cheval. Pour reculer, un cheval doit en effet « déverrouiller » ses postérieurs et accepter de les mobiliser. C’est une des raisons pour lesquelles ce mouvement est un excellent outil pour vérifier le respect et la confiance entre le cavalier et le cheval, et plus largement leur connexion.

Les critères d’un bon reculer

Lorsqu’on aborde le reculer dans cette optique relationnelle, les objectifs diffèrent un peu de ce qu’on recherche lors d’une reprise de dressage par exemple. « Dans ce cadre, on ne demande généralement que quelques pas en arrière », illustre Pierre Dechamps. « Ici, le but est de pouvoir réaliser un reculer sur 10, 15 ou même 20 mètres en obtenant d’abord de la légèreté, puis également de la rectitude, de la fluidité et enfin de la rapidité. »

Par légèreté, Pierre Dechamps entend l’emploi d’un minimum d’énergie et d’aides pour obtenir un résultat. La rectitude consiste quant à elle à ce que le cheval soit aligné d’épaules et de hanches dans le reculer alors que pour la fluidité, l’idée est que la marche-arrière s’effectue d’une traite, sans à-coups, avec un cheval bien sûr droit et léger dans les aides. Enfin, la rapidité d’exécution peut sembler accessoire mais elle permet d’aller plus loin dans l’exigence, et de confronter le cheval à davantage de pression. « Cela permet notamment de le préparer à d’autres circonstances dans lesquelles il peut recevoir de la pression vite et fort, comme par exemple un contexte de concours », précise Pierre Dechamps. 

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© Christophe Bortels

Apprendre le reculer étape par étape

Même pour les cavaliers qui cherchent avant tout à obtenir le reculer monté, il est intéressant et souvent beaucoup plus efficace de commencer à le travailler à pied. Pour cela, il suffit de s’équiper d’une corde plutôt longue, d’un stick et d’un bridon ou d’un licol. Le licol en corde n’est pas obligatoire, mais il permet d’avoir plus d’action si nécessaire.

Au niveau du travail, Pierre Dechamps recommande d’utiliser les 4 grandes étapes suivantes pour parvenir progressivement à ce que le cheval exécute une marche-arrière avec légèreté, rectitude, fluidité et rapidité :

  • Demander le reculer en allant vers le cheval

Cet exercice est généralement l’un des premiers que le spécialiste en équitation naturelle demande lorsqu’il débute le travail à pied avec un cheval. Il consiste à se placer face au cheval arrêté, puis à aller vers lui pour qu’il recule de 2 ou 3 pas. « Pour cela, il faut mettre de l’intention et de l’énergie dans son corps », conseille Pierre Dechamps. « Si le cheval ne bouge pas, on peut frapper au sol avec le stick, ou mettre du rythme au niveau de la corde en allant de plus en plus fort si nécessaire. On peut également pointer le stick vers le poitrail ou une zone sensible jusqu’à ce que le cheval donne une réponse. »

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Le cavalier doit avancer vers le cheval avec une intention et une attitude convaincantes. (© Christophe Bortels)

Au cas où le cheval ne comprend pas et ne recule pas du tout malgré l’intensification des aides, la solution est de débloquer ses postérieurs à l’aide d’une manœuvre de désengagement. « Je fais bouger les postérieurs sur 2 ou 3 tours puis en maintenant l’action, je demande à nouveau le reculer », explique Pierre Dechamps. Si à l’inverse le cheval à tendance à reculer sans s’arrêter, il faut à tout prix éviter de résister au risque qu’il tire encore plus. Dans ce cas, mieux vaut accompagner le mouvement car quand le cheval se sentira dans le vide, il cessera de reculer.

On peut considérer que ce premier exercice est acquis quand le cheval est capable de reculer sur au moins 2-3 mètres tout en restant droit et léger dans les aides. Si le cheval se décale dans le reculer et a par exemple tendance à partir à droite, le cavalier se décalera un peu vers le postérieur droit et le repoussera jusqu’à ce que le cheval retrouve de la rectitude.

  • Utiliser le jeu du yoyo

Ce mouvement fait partie des 7 jeux de Pat Parelli. Le principe est à nouveau que le cavalier se place face au cheval arrêté, mais cette fois il doit demander le reculer en restant à sa place, sans bouger les pieds. Pour ce faire, le cavalier va passer d’une attitude décontractée à une posture plus énergique, « comme un prédateur prêt à bondir sur sa proie », illustre Pierre Dechamps. Ensuite, il va effectuer une action sur la corde en levant la main, puis si nécessaire en bougeant l’avant-bras et le bras afin de faire onduler la longe de plus en plus fort. « Le yoyo permet de gagner en autonomie et en confiance du cheval », précise Pierre Dechamps. « C’est un mouvement qui permet de rester en sécurité et de maintenir le cheval à distance, ce qui est notamment utile lors de la mise au pré ou encore du débarquement du van. »

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Dans le jeu du yoyo, le cavalier ne se déplace pas mais utilise l’action de la main et de la corde pour faire déplacer le cheval (© Christophe Bortels).

Le but de l’exercice est de parvenir à ce que le cheval recule jusqu’au bout de la longueur de la corde grâce à très peu d’aides (juste lever la main qui tient la corde) et en restant droit. Une fois que cela est acquis, on peut complexifier les choses et travailler davantage la confiance en faisant reculer le cheval sur une bâche, dans une pente, sur une barre au sol,…

  • Incorporer le reculer dans la conduite

Alors que les deux exercices précédents auront permis d’acquérir davantage de respect et de confiance, celui-ci va surtout permettre d’améliorer la connexion avec le cheval. Dans la conduite, le cavalier marche à côté de son cheval et cherche à ce qu’il l’accompagne dans ses changements de direction et d’allure en utilisant le moins d’aide possible. Pour le reculer, l’idée est que le cheval suive le cavalier dès que celui-ci initie physiquement une marche arrière. « La corde doit être tenue courte et si le cheval maintient une tension dessus, alors on peut s’aider en levant le stick dans son champ de vision pour le faire reculer », explique Pierre Dechamps. « S’il ne répond toujours pas, on peut utiliser la rythmique du stick ou si besoin la corde. Il ne faut par contre pas toucher la tête du cheval avec le stick car c’est une zone sensible. »

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Si le cheval ne recule pas en suivant le cavalier, celui-ci peut s’aider en utilisant la rythmique du stick dans le champ de vision du cheval. (© Christophe Bortels)

L’objectif, à terme, est que le cheval recule en même temps que son cavalier, comme s’il n’y avait pas de corde qui les reliait. Pierre Dechamps rappelle aussi qu’il est nécessaire de maitriser l’exercice en se plaçant des deux côtés du cheval, et il conseille de commencer par le côté le plus facile.

  • Exercer une pression sur le chanfrein

Cette étape du travail à pied est celle qui permet de préparer la marche-arrière en selle. Pour ce faire, le cavalier va déposer sa main sur le chanfrein du cheval et serrer progressivement jusqu’à ce que le cheval cède et recule, de sorte à lui apprendre à réagir à la pression devant. En cas de non-réaction, on peut évidemment s’aider en poussant un peu sur le poitrail ou en utilisant le stick. On peut introduire cet exercice un peu quand on le souhaite, mais bien évidemment il est préférable de l’aborder avant de commencer le reculer en selle.

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© Christophe Bortels

Dans chacune de ces étapes, le cavalier doit être progressif aussi bien dans ses aides que dans ses exigences. Au départ, on se contentera en effet d’un ou deux pas, puis l’on se permettra de demander davantage. Les aides, quant à elles, peuvent se faire plus intenses au début pour obtenir une réponse mais le but est qu’elles deviennent de plus en plus fines et discrètes, et que le cavalier puisse faire reculer son cheval sans outil. Il est utile pour cela de classer les demandes par phases de fermeté. Au niveau du toucher, la pression peut par exemple d’abord être exercée sur le poil, puis la peau, le muscle et enfin devenir maximale et rythmique. Lorsque le cavalier communique plutôt avec son attitude, il peut commencer par un regard menaçant, puis se faire plus ferme en se grandissant et allant vers le cheval, et enfin en le touchant de façon rythmique.

Il ne faut pas chercher à obtenir le reculer par un rapport de force, mais en aidant le cheval à réfléchir

Outre les aides dont il a besoin, le cavalier peut également évaluer la qualité du reculer à l’attitude du cheval. « Lorsqu’on commence à travailler le reculer, il est fort possible que le cheval lève la tête car il est encore en opposition et cherche à éviter la pression plutôt que de reculer », illustre Pierre Dechamps. « Néanmoins, au fil du temps, il faut parvenir à obtenir de la décontraction et une nuque basse. » Le spécialiste en équitation naturelle rappelle aussi qu’il ne faut pas chercher à obtenir le reculer par un rapport de force, mais en aidant le cheval à réfléchir. « Si cela ne fonctionne pas, il ne faut pas hésiter à utiliser la mobilisation des postérieurs ou encore à revenir à un exercice plus simple. »

Le reculer monté

Une fois que la préparation à pied a été bien effectuée, obtenir le reculer monté est généralement une simple formalité. Pour ceux qui le maitrisent, le travail aux longues rênes peut également être un outil très utile en préalable à l’exécution de l’exercice sous la selle. « Cela permet d’inculquer au cheval les bonnes réponses sans le stress et le poids du cavalier, ce qui facilite l’apprentissage », souligne Pierre Dechamps.

Le reculer monté peut être inculqué dès le débourrage, car il permet de contrôler les postérieurs et il est un moyen efficace de restabiliser un cheval qui bouge par exemple au montoir, qui est agité après le galop, etc. Au niveau des aides, Pierre Dechamps recommande aux cavaliers d’utiliser avant tout l’énergie de l’assiette et du corps. En ce qui concerne les mains, il préconise de garder une rêne tendue et d’effectuer de petits demi-arrêts avec l’autre pour éviter les défenses. « Si le cheval a tendance à reculer en se décalant du côté gauche, je vais plutôt utiliser ma rêne gauche et orienter ainsi les postérieurs », ajoute-t-il.

« Il n’y a pas vraiment de contre-indication à travailler le reculer, on peut donc l’utiliser et le travailler au quotidien.»

Comme à pied, on cherchera à ce que le cheval recule avec légèreté, rectitude et fluidité (voire aussi rapidité). Dans un premier temps on se concentrera surtout sur le respect et la compréhension des demandes, on pourra donc tolérer par exemple que le cheval se défende en levant la tête. Par la suite, il sera cependant nécessaire d’évoluer vers plus de légèreté et de décontraction. Cela peut demander du temps et des répétitions à pied comme en selle. Heureusement, comme le rappelle Pierre Dechamps, « il n’y a pas vraiment de contre-indication à travailler le reculer, on peut donc l’utiliser et le travailler au quotidien. Je le pratique presque à chaque séance, que ce soit à pied ou montée, pour aller au pré, pour rentrer au boxe,… C’est un excellent outil de connexion et de vérification du respect et de la confiance. »

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !