L’hébergement en boxe augmenterait l’agressivité des chevaux envers l’homme

On sait depuis plusieurs années que l’hébergement en boxe individuel n’est pas idéal pour les chevaux, et une nouvelle étude française vient d’apporter des éléments supplémentaires à ce sujet. Elle se base sur deux années d’observation d’équidés vivant au boxe, et a démontré que ce mode de vie a de véritables impacts à long terme sur le comportement des équidés, notamment vis-à-vis des humains. Explications :

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Même si ce mode de vie est encore très répandu, l’hébergement permanent en boxe ne permet pas de répondre pleinement aux besoins fondamentaux des chevaux. Il limite en effet leurs contacts sociaux et leurs mouvements, et ne permet généralement pas une alimentation continue comme dans la nature. Ces privations peuvent avoir des effets néfastes sur le comportement et la santé du cheval, et diverses études scientifiques ont d’ailleurs prouvé que les stéréotypies (autrement dit les tics) et postures d’alerte apparaissent et augmentent rapidement lorsqu’on place pour la première fois de jeunes chevaux en boxe.

On disposait par contre jusqu’à présent de peu d’informations sur l’évolution de ces comportements au fil du temps, c’est pourquoi des chercheurs de l’INRAE se sont penchés sur la question. Pour ce faire, ils ont sélectionné une quarantaine de chevaux de sport hébergés dans le même centre équestre et ont suivi leurs comportements sur deux séquences de 3 mois espacées d’une période de deux ans. La plupart de ces chevaux vivaient déjà en boxe avant l’expérience, mais cela n’a pas empêché les scientifiques d’observer des changements après les deux ans.

Leur travail s’est basé sur l’analyse de six comportements révélateurs de l’état de bien-être :

  • Les stéréotypes : tics en tous genres.
  • Les comportements agressifs envers les humains : oreilles couchées, bouche ouverte pour mordre, etc.
  • Les postures d’alerte : encolure haute, oreilles dressées, yeux bien ouverts, naseaux dilatés, tension musculaire,…
  • Les postures en retrait : cheval renfermé et immobile, attitude apathique avec l’encolure horizontale et de l’insensibilité face aux stimuli de l’environnement.
  • Les postures d’observation : encolure horizontale ou mi-haute et qui se déplace, oreilles mobiles, yeux ouverts, naseaux non dilatés,…
  • Le décubitus latéral et sternal : position couchée avec soit le sternum au sol et la tête verticale (décubitus sternal), soit le corps complètement allongé avec l’encolure et la tête au sol (décubitus latéral).
La position couchée fait partie des comportements analysés lors de l’étude. (© Christophe Bortels)

Plus d’agressivité et moins de position couchée

Plus de la moitié des chevaux ne présentaient pas de stéréotypie, et cette variable n’a pas vraiment évolué au fil du temps, de même que la posture en retrait. Par contre, 12 chevaux sur les 44 ont montré des comportements agressifs envers l’homme lors de la deuxième observation alors qu’ils ne l’avaient pas fait deux ans plus tôt, et la fréquence de ces attitudes était également plus importante lors des secondes analyses. A l’inverse, seul un cheval agressif lors des premières observations n’a plus montré ce comportement deux ans plus tard.

La fréquence des postures d’alerte n’a quant à elle pas beaucoup évolué au fil des deux années, tout comme la posture d’observation. Les scientifiques ont par contre remarqué que la fréquence du décubitus (position couchée) était plus faible lors des deuxièmes observations. Par ailleurs, 18 chevaux sur les 44 ne se sont pas mis en position couchée durant cette période, alors qu’ils le faisaient deux ans auparavant.

En bref, parmi les six indicateurs observés à deux ans d’intervalles, deux sont concernés par des changements significatifs : l’agressivité envers l’homme et la position couchée. Hélas, ces comportements n’ont pas évolué positivement, puisque l’agressivité a augmenté et le repos allongé a diminué entre les deux périodes d’observation espacées de deux ans.

D’autres responables que l’hébergement en boxe ?

Plusieurs facteurs pourraient expliquer ces changements, toutefois les chercheurs précisent que la gestion de l’écurie est restée inchangée durant toute l’expérience, donc la hausse de l’agressivité n’est probablement pas liée à ce genre d’élément. Elle pourrait s’expliquer par « une dégradation de l’état de bien-être des chevaux du fait de leurs conditions de vie », mais les scientifiques précisent que « à ce stade, il n’est pas clair si cela est dû au mode de vie à long terme et/ou au vieillissement des animaux ». La hausse de l’agressivité envers l’homme n’est toutefois pas un élément à négliger, car encore beaucoup d’accidents dans le milieu équestre surviennent à pied.

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Concernant la diminution de la position couchée, elle peut être liée entre autres à du stress induit par le logement ou à des douleurs musculosquelettiques selon les scientifiques. Ces derniers précisent toutefois que les observations ont été réalisée uniquement de jour, or généralement les chevaux vivant en écurie se couchent davantage la nuit. Il se pourrait donc que lors de la deuxième période d’analyse, les équidés se mettaient plutôt en décubitus à ce moment.

Comme toute étude, ce travail présente des limites et pourrait être affiné, toutefois les observations réalisées par les scientifiques français ne doivent pas être prises à la légère et s’ajoutent à d’autres travaux mettant en lumière l’impact négatif de l’hébergement en boxe sur le bien-être des chevaux. Pour diverses raisons, il n’est hélas pas toujours possible pour les propriétaires de changer radicalement le mode de vie de leurs équidés, toutefois des solutions existent pour améliorer le quotidien des chevaux au boxe : sorties fréquentes, augmentation du fourrage, parois permettant des interactions avec les autres,… Nous avons consacré un article complet à ce sujet, vous pouvez le retrouvez ici.

Retrouvez également ici l’étude complète « Une approche de terrain pour observer l’évolution des indicateurs de bien-être comportemental sur 2 ans chez les chevaux en boxe » réalisée par A. Ruet, J. Lemarchand, C. Briant, C. Arnould et L. Lansade.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !