Le complet belge se porte bien, mais vise encore plus haut

Cette saison, le complet belge a marqué les esprits en dominant le circuit de la Coupe des nations et en signant plusieurs belles performances individuelles au plus haut niveau. Ces résultats sont le fruit d’un effort collectif et d’une dynamique qui s’est développée au cours des dernières années. Le complet belge est-il pour autant à un tournant ? Et à quoi peut-on s’attendre pour les prochains Jeux olympiques et grands rendez-vous ? Voici l’avis du chef d’équipe Kai-Steffen Meier, de la cavalière Lara de Liedekerke-Meier et de l’éleveur Baudouin van den Brande. Tous soulignent les efforts réalisés, mais visent encore plus haut :

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L’équipe belge sur le podium final de la Coupe des nations (© FEI)

En mars 2023, la Belgique entamait le circuit de la Coupe des nations par la victoire de l’équipe à Montelibretti. Sept mois plus tard, à Boekelo, le pays figurait sur le podium de l’épreuve finale et clôturait sa saison en tête du classement du circuit. Au total, l’équipe belge a signé 5 podiums collectifs au fil des 6 manches de Coupe des nations, et a décroché sa qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024 en terminant 7e lors du championnat d’Europe au Haras du Pin.

Bref, on peut dire que le bilan 2023 est globalement positif pour le complet belge, et selon le chef d’équipe Kai-Steffen Meier c’est le résultat d’une dynamique collective : « La série de Coupe des nations apporte énormément à des pays comme la Belgique », confie-t-il. « C’est en effet différent de faire beaucoup de compétitions par équipe, ça crée une vraie dynamique pour le sport. En début d’année, on se demandait comment on allait motiver les cavaliers à monter pour l’équipe, puis en deuxième partie de saison tout le monde voulait représenter le pays en Coupe des nations ! La performance à Montelibretti en début d’année était un peu planifiée car j’ai envoyé une équipe première, mais tout le monde a joué le jeu et ça a créé quelque chose dans le groupe. Ça a donné envie à tout le monde d’être compétitif. »

Cette volonté de performer s’est aussi fait ressentir dans les résultats individuels, puisque cette saison a été marquée par diverses victoires internationales jusqu’en 3*, ainsi que de multiples podiums et tops 5 en CCI 4*. A ce niveau, on peut notamment citer la 2e place de Jarno Verwimp à Montelibretti, la 5e position de Karin Donckers à Oudkarspel, les 4e et 5e places de Cyril Gavrilovic à Montelibretti et Jardy ou encore les classements de Lara de Liedekerke, entre autres 2e à Boekelo et Kronenberg, 4e à Arville, Jardy et Montelibretti et 5e à Strzegom.

La cavalière d’Arville a centré sa saison sur les qualifications pour les championnats d’Europe 2023 – auxquels elle a participé – et les Jeux olympiques 2024, pour lesquels elle a déjà trois chevaux qualifiés et souhaite en ajouter deux autres d’ici la fin de la saison. Lara de Liedekerke-Meier jette donc un regard positif sur cette année 2023, malgré certains épisodes en demi-teinte : « Au championnat d’Europe, nous avons sécurisé la qualification de l’équipe pour les Jeux olympiques mais je pense que nous aurions pu passer par une porte un peu plus grande. Nous avons hélas joué de malchance avec le cheval de Karin (ndlr : Donckers) qui n’a pas pu passer la visite, un sol très lourd qui a empêché Cyril (ndlr : Gavrilovic) d’aller aussi vite qu’on le pensait dans le cross, et moi qui ai fait un refus en essayant de gagner du temps par la suite. Cela a permis de rappeler qu’on peut avoir un mauvais concours même lors d’une bonne saison, et je pense que ça nous garde un peu aux aguets pour l’an prochain. »

Niveau plus homogène entre les cavaliers

En 2024, tous les regards seront en effet tournés vers les Jeux olympiques de Paris, où la Belgique aura l’opportunité d’aligner une équipe. Et peut-être de performer si elle reste sur sa lancée de 2023 ? « Paris est un objectif important, nous y travaillons depuis trois ans mais ça reste finalement un championnat parmi les autres et je pense aussi à avoir des cavaliers prêts pour le championnat d’Europe 2025 », confie Kai-Steffen Meier. « Nous avons de chouettes chevaux, de bons cavaliers mais il est encore un peu tôt pour envisager ce qu’on sera capable de faire l’an prochain aux Jeux car il n’y a que trois cavaliers dans l’équipe, pas de drop score et il y a encore des détails peu précis concernant le parcours de cross. »

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© FEI

Pour Lara de Liedekerke-Meier, Paris 2024 sera en tout cas un objectif et la cavalière veut croire en ses chances et en celles de la Belgique : « Je pense qu’en qualifiant plusieurs chevaux, je suis assez claire dans mon ambition d’être de la partie aux Jeux. Au sein de la cellule de haut niveau, on parle souvent du Top 8 mais j’ai envie de croire que si on est tous au top dans l’équipe on peut viser un Top 5. Individuellement j’aimerais figurer dans le Top 25 repris pour la deuxième épreuve de jumping mais c’est évidemment tôt pour se projeter. Je vais en tout cas travailler pour rester sur la bonne dynamique de cette saison et faire en sorte de bien gérer mes chevaux. »

« Auparavant il y avait souvent un cavalier qui se démarquait et on se demandait avec qui compléter l’équipe, mais maintenant le groupe est presque sur un pied d’égalité. »

Kai-Steffen Meier

S’il est encore un peu tôt pour faire des pronostics précis, il est en tout cas sûr que la Belgique arrivera mieux armée à Paris que lors des derniers Jeux olympiques de Tokyo, où elle avait seulement décroché une place individuelle et où Lara de Liedekerke-Meier avait dû déclarer forfait avant le cross. Depuis 2021, le vivier de cavaliers s’est en effet étoffé et le pays offre surtout un niveau plus homogène : « Auparavant, il y avait souvent un cavalier qui se démarquait et on se demandait avec qui compléter l’équipe, mais maintenant le groupe est presque sur un pied d’égalité », observe Kai Steffen-Meier.

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Lara de Liedekerke (© FEI)

En tant que meilleure belge au ranking mondial de complet (60e), Lara de Liedekerke-Meier fait le même constat : « En raison du planning de mes chevaux, j’ai dû faire un break en cours de saison et laisser la Coupe des nations aux autres Belges qui ont très bien fait ça. C’était d’ailleurs très vibrant de vivre ça de la maison ! Je trouve que ça crée une saine concurrence de savoir qu’il y a désormais autant de cavaliers belges à ce niveau. Cela nous empêche de nous reposer sur nos lauriers. »

Développer l’élevage et la réussite

Le concours complet belge peut donc compter sur davantage de bons cavaliers, mais aussi de bons chevaux. Baudouin van den Brande, éleveur et passionné de la discipline, constate en effet qu’orienter l’élevage vers le complet porte ses fruits : « Que ce soit Karin Donckers, Virginie Caulier, Joris de Brabandere, Lara de Liedekerke ou encore la famille de Manon Minner, de plus en plus de cavaliers et de personnes sélectionnent et élèvent spécifiquement pour le complet, souvent avec d’anciens chevaux de concours. Et les résultats en compétition prouvent que ça marche ! »

Une preuve récente est la deuxième place de Lara de Liedekerke-Meier dans le championnat du monde des chevaux de 7 ans avec Kiarado d’Arville. Le cheval SBS est en effet né chez elle et n’est autre qu’un fils de Nooney Blue, jument avec laquelle la cavalière belge s’est illustrée par le passé. « Nooney a été une partenaire merveilleuse et elle m’a lancée dans le monde du complet, et après cela elle a continué à me suprendre avec ses produits », écrivait sur Facebook Lara de Liedekerke après son podium au mondial du Lion. « J’ai toujours su que Kiarado était spécial, et il a montré ça au monde ce week-end.»

Leipheimer van’t Verahof (© FEI)

L’élevage belge de complet est évidemment encore loin d’atteindre le niveau de celui de jumping ou même de dressage, mais selon Baudouin van den Brande le pays a tout ce qu’il faut et doit profiter de ses atouts : « Un étalon comme Leipheimer van’t Verahof (ndlr : cheval de Karin Donckers) n’a qu’une vingtaine de produits, ce n’est pas normal. On peut bien sûr produire des chevaux de complet en croisant des juments de sang avec des étalons d’obstacles, mais l’on commence aussi à avoir à disposition des étalons performers retraités, comme Averouge des Quatre Chênes qui a tourné jusqu’en 4* et vient de rejoindre mes écuries. Jusqu’à présent sa carrière sportive avait été privilégiée mais je pense qu’il a la dureté, le mental et l’endurance pour produire de bons chevaux de complet. Et contrairement à ce qu’on pense souvent, les poulains de cette discipline ne se vendent pas forcément moins chers que ceux de jumping ! »

« L’esprit actuel est plutôt très bon mais il ne faut pas que ce soit un coup unique. Il faut entretenir cette réussite et créer une culture comme ils l’ont fait en jumping. »

Lara de Liedekerke-Meier

Pour toutes ces raisons, Baudouin van den Brande estime que les éleveurs doivent continuer à battre le fer tant qu’il est chaud, notamment pour que les jeunes cavaliers qui émergent puissent trouver leurs chevaux en Belgique plutôt qu’à l’étranger. Kai-Steffen Meier souligne pour sa part les progrès effectués ces dernières années en matière de chevaux et de cavaliers, tout en souhaitant également davantage : « Nous avons déjà bien avancé mais en tant que chef d’équipe, je voudrais encore plus de jeunes et de chevaux. Et je souhaiterais que le complet devienne encore plus professionnel. »

complet belge
Jarno Verwimp (© FEI)

Bref, la Belgique peut se réjouir des progrès réalisés en concours complet, mais ce n’est pas le moment de relâcher les efforts, que du contraire : « L’esprit actuel est plutôt très bon, mais il ne faut pas que ce soit un coup unique », souligne Lara de Liedekerke-Meier. « Il faut entretenir cette réussite et créer une culture comme ils l’ont fait en jumping. On n’est bien sûr pas aussi nombreux en complet mais la Belgique n’est pas pour autant une toute petite nation, et on doit avoir confiance en notre système. Les choses sont en train d’évoluer et j’espère qu’il y aura plus d’éleveurs qui auront envie d’élever et de propriétaires qui voudront investir dans des chevaux de complet. Il y a aussi plus de cavaliers qui croient en leurs rêves – en tout cas c’est mon cas. »

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !